La face cachée de l’affaire du Sukhoï

01 décembre 2015
poutine
Les objectifs et les dangers cachés derrière l’attaque du bombardier russe.

Le 24 novembre, l’acte de l’armée de l’air turque concernant l’avion de combat russe « SU-24 » est une action hostile, belliqueuse, qui cache derrière elle la stratégie moyen-orientale de la Turquie et de l’Occident menée depuis quatre ans et dont l’objectif principal est d’obtenir un changement de régime en Syrie, en chassant de son siège le Président Assad. Mais il est également important de connaître toutes les conséquences que cet acte peut avoir sur les relations internationales, étant donné que c’est un bombardier russe qui a été abattu et non pas un avion syrien. Ainsi, voici trois points qui méritent réflexion:

Premier point : est-ce que cette attaque contre l’avion russe avait l’aval de l’Occident ou pas? Selon toute vraisemblance, elle avait et l’aval de l’Occident et celui de l’OTAN, compte tenu des déclarations des Présidents Obama et Hollande par lesquelles ils ont soutenu que c’est le droit naturel de la Turquie de défendre ses frontières. En partant de ce point, il apparaît une évidence: la lutte contre « l’ État Islamique » (EI) a deux fronts: celui de la Turquie et de l’Occident et celui russo-iranien, et ce, malgré le fait qu’après l’attentat perpétré contre l’avion de ligne russe dans le Sinaï et les événements tragiques de Paris, on a pu croire un instant que cette lutte pourrait être menée par un seul et unique front. En réalité, l’EI n’est qu’un prétexte pour préserver ou pour conquérir de nouvelles positions stratégiques au Moyen-Orient.

Jusqu’à présent, Turquie a joué un rôle assez particulier dans la dévastation de la Syrie. Elle fut également la première à en tirer bénéfice. Mais avec l’intervention russe en Syrie, tous les calculs de la Turquie semblent être faussés. Tout d’abord par la perte d’importantes ressources financières dues au pétrole et à d’autres marchandises de contrebande, mais aussi par la disparition de son « rêve » de voir l’instauration d’une autorité de « Frères musulmans » formée des populations sunnites de Syrie et d’Irak, « épurée » de l’EI.

Deuxième point. Par cet incident de l’avion de combat russe, la volonté turque de défendre l’entité turkmène située tout au long de la frontière syrienne a été révèlée. D’ailleurs, selon les médias turcs, c’était les groupuscules de Jabhat-al-Nusra formées de ces mêmes Turkmènes qui avaient attaqué Kessab, avec le soutien de la Turquie.

La conclusion de tout ceci est que la zone de sécurité tant réclamée par la Turquie et qui selon la version officielle servirait au bon accueil des réfugiés syriens et devrait bénéficier de la protection de l’Union européenne, ne serait en réalité qu’une occupation des territoires syriens par la Turquie, en utilisant les nationalistes turkmènes. Et cet incident du bombardier le prouve encore plus et montre que cette intention est plus que jamais d’actualité.

Le troisième point: Cet incident peut avoir de lourdes conséquences pour l’Arménie qui est l’alliée de la Russie et membre de l’Union eurasiatique. Rappelons qu’entre la Russie et la Turquie, le seul point de passage terrestre est l’Arménie. Et aussi, la 102e base militaire russe installée à Gumri et les nombreux aéroports arméniens mis à la disposition des forces aériennes russes constitueront des points d’appui autrement importants dans la logistique de guerre menée par la Russie en Syrie.

Et si les relations turco-russes arrivent à un point de non-retour, la frontière arménienne peut devenir le théâtre d’affrontements.

Et enfin, dans le contexte actuel des événements, un rôle singulier revient aux Kurdes et à la Cause kurde. En effet, les Kurdes sont les alliés les plus importants de l’Occident, d’autant plus qu’ils sont les seuls à combattre les militants de l’EI, au sol, sur place. Mais avec l’affaiblissement ou voire même l’éradication de l’EI ce rôle peut perdre son importance, tout au moins en Syrie. D’autre part, le rôle des Kurdes de Turquie peut grandement intéresser la Russie. Mais là aussi, cet intérêt peut heurter les intérêts nationaux de l’Iran qui ne souhaiterait à aucun prix de voir un État indépendant kurde, voire même un Kurdistan autonome.

http://nor-haratch.com/2015/12/la-face-cachee-de-laffaire-du-sukhoi/

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