Questionnement autour de la ratification de la Convention d’Istanbul
31 juillet 2019
Un haut responsable arménien s’est prononcé en faveur de la ratification par Erevan d’une convention du Conseil de l’Europe sur les droits des femmes et l’égalité des sexes, en dépit d’une campagne lancée par des détracteurs revendiquant des risques pour les valeurs familiales.
34 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont déjà ratifié la Convention d’Istanbul. L’Arménie fait partie des 11 membres qui ont signé le document mais ne l’ont pas encore ratifié au Parlement.
La Convention n’a même pas encore été inscrite à l’ordre du jour du Parlement en Arménie, mais ses détracteurs ont déjà lancé une campagne en ligne contre elle, affirmant que le document porte atteinte aux valeurs familiales en promouvant les droits des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres) et reconnaissant légalement les mariages de même sexe et le statut dit de « troisième sexe ».
Les partisans de la Convention en Arménie ont qualifié ces idées d’opinion fausse, cherchant à réfuter ces revendications.
Le Ministère arménien de la Justice a présenté des arguments récapitulatifs en faveur de la ratification de la Convention, qualifiant d ’« artificiel » le débat qui a éclaté sur sa possible ratification.
« L’objectif est simplement de frapper le gouvernement de différents côtés et de créer un contexte négatif à tout cela », a noté le ministre de la Justice, Rustam Badasian.
La Convention oblige les pays participants à prévenir la violence sans discrimination aucune, y compris la discrimination fondée sur le sexe. Selon le ministère de la Justice, « la ratification de la Convention ne s’impose pas de l’extérieur, mais est ce dont nous avons besoin nous-mêmes ».
« C’est la volonté de la République d’Arménie envers ses citoyens d’assurer la protection des droits de l’homme », a assuré le ministre de la Justice, M. Badasian.
Le président de la Chambre des avocats, Ara Zohrabyan, l’un des critiques les plus virulents de la Convention, s’est mobilisé pour soutenir sa campagne visant à « mettre fin à la Convention d’Istanbul » via un site Web.
Mais Zohrabian a déclaré que sa lutte n’était pas politique et n’était pas dirigée contre le gouvernement actuel, car il avait déjà évoqué la question auparavant. « Je me suis activement opposé à ce projet de loi et j’ai organisé des discussions professionnelles aussi avant… j’en ai parlé à ce moment-là. En d’autres termes, cela signifie que je ne poursuis aucun objectif politique contre le gouvernement actuel. Je vois simplement une menace pour les valeurs familiales et, dans ce sens, j’ai exprimé mes préoccupations », a-t-il commenté.
Zohrabian a souligné qu’il soutenait la prévention de la violence et que la Convention comportait des mécanismes à cet égard qui devraient être appliqués dans la législation arménienne, mais que, selon lui, le libellé de la Convention était inacceptable. Par exemple, dit-il, avec le mot « famille », la Convention utilise le terme « unité domestique ». Selon Zohrabian, le risque existe que les membres de la communauté LGBT puissent ainsi également créer des familles.
« Laissez-les adopter une loi distincte protégeant les droits des personnes LGBT, si elles le jugent nécessaire, mais n’écrivez pas sur la violence « domestique » mais plutôt sur la violence « familiale » , car dans ce cas, la conception de la famille impliquera déjà ces personnes », a prévenu Zohrabian.
S’adressant au service arménien de RFE / RL (Azatutyun.am), Marceline Naudi, présidente du GREVIO, l’organe de surveillance de la Convention d’Istanbul, a déclaré que les pays qui ont ratifié la Convention ont réalisé des progrès significatifs dans la prévention de la violence à l’égard des femmes.
En ce qui concerne le débat en Arménie, Naudi a dit : « La Convention d’Istanbul ne définit pas la famille. Cela ne favorise pas un type particulier de famille. La Convention d’Istanbul ne dit pas qu’une famille est composée de X, Y, Z. Elle ne définit pas la famille du tout. Ce que la Convention d’Istanbul tente de faire, c’est de protéger les femmes où qu’elles se trouvent – qu’elles soient chez elles, dans la rue, au travail, parce que la violence à l’égard des femmes se produit malheureusement partout… Maintenant, nous disons aussi que la Convention devrait s’appliquer de manière générale à toutes les femmes, qu’elles soient roms ou musulmanes, quelles que soient leur appartenance ethnique, leur orientation sexuelle, leur identité sexuelle ».
Un fonctionnaire du Conseil de l’Europe pense que, à l’instar d’autres nations, l’Arménie aurait des bénéfices à ratifier la Convention d’Istanbul : « Je dirais que devenir partie à la Convention et œuvrer pour la prévention, la lutte et l’élimination de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique profiterait à tous les membres de la société arménienne – femmes, filles, hommes, garçons. Je pense que tout le monde en profiterait s’il était ratifié ».
L’Église apostolique arménienne a également émis des réserves sur la Convention. Dans une déclaration, les évêques et les dirigeants diocésains ont appelé les autorités arméniennes à ne pas ratifier la Convention. Les leaders spirituels disent qu’ils voient des dangers dans le sous-texte des articles qui, selon eux, impliquent la liberté des gens de choisir leur sexe et contiennent une formulation qui va à l’encontre de la perception arménienne de ce qu’est la famille.
Selon la doctrine de l’église, une famille est une union entre un homme et une femme. Dans le même temps, le ministère de la Justice rappelle au clergé que c’est la même chose que celle définie dans la Constitution arménienne. « Conformément à l’article 35 de la Constitution arménienne, seules les femmes et les hommes qui atteignent l’âge nubile ont le droit de se marier et de fonder une famille », a rappelé le vice-ministre de la Justice, Rafik Grigorian.
Dans une vidéo sur Facebook, le ministre de la Justice, M. Badasian, a affirmé qu’un « dialogue constructif » était en cours avec l’Église au sujet de la Convention.
par Claire le mercredi 31 juillet 2019
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