27 novembre 2015
À défaut de grande coalition militaire unifiée en Syrie – un objectif qui semble politiquement inatteignable – François Hollande devait repartir de Moscou avec la promesse d’une coopération accrue des forces aériennes russes et françaises dans la lutte contre le groupe État islamique.
Le président français a rencontré jeudi soir au Kremlin son homologue Vladimir Poutine pour la dernière étape de son marathon diplomatique post-attentats entamé mardi à Washington. «Je suis ici pour déterminer comment nous pouvons nous coordonner pour vaincre ce groupe terroriste et trouver une solution politique», a déclaré le président français, plaidant en faveur d’une «large coalition». Ce dernier a ostensiblement tutoyé son hôte russe devant les caméras. «Nous sommes prêts pour cette coopération», a répondu Vladimir Poutine.
Les deux hommes ont échangé des témoignages de condoléances s’adressant aux victimes russes et françaises du crash aérien en Égypte et des attentats parisiens. «C’est pour elles que nous devons agir», a insisté le chef de l’État. Les deux hommes se sont d’abord vus en comité restreint, associant côté français le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et son homologue russe, Sergueï Lavrov. Un dîner élargi, conviant notamment le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s’en est suivi.
Lui-même initiateur de ce projet de grande coalition internationale, le président russe n’avait reçu aucun soutien occidental, en particulier de la part des États-Unis, lorsqu’il avait présenté sa proposition à l’ONU, le 28 septembre. Washington et Moscou s’opposent sur le sort politique à réserver à Bachar el-Assad. Les premières frappes russes entamées le 30 octobre qui ciblaient en priorité des opposants au président syrien, négligeant les combattants de l’EI, n’ont rien fait pour renforcer la confiance entre les deux anciens ennemis de la guerre froide. L’attentat contre l’Airbus, dont le Kremlin a tardivement reconnu le caractère terroriste, en même temps que les attaques parisiennes, a opportunément relancé le projet.
Moscou voit désormais en Paris un allié de choix, d’autant que l’UE dans son ensemble a apporté son soutien à l’initiative franco-russe. Il se concrétise notamment par les engagements militaires de Londres et Berlin, engrangés ces derniers jours. Un ralliement qui permet à la Russie, au moins symboliquement, de faire contrepoids à l’influence américaine. Mardi, Barack Obama a réitéré son exigence de voir le leader syrien quitter le pouvoir, compliquant tout rapprochement russo-américain sur le plan militaire. Washington se dit prêt à une coopération avec son rival russe à condition que celui-ci vise en priorité l’État islamique. Cette critique est repoussée par le Kremlin. Moscou reproche aux États-Unis de ne pas vouloir communiquer à ses forces la liste des cibles «terroristes» que ces dernières se disent prêtes, le cas échéant, à bombarder.
Paris en est désormais réduit à chercher des «modalités de coordination» avec la Russie.
Dans ces conditions, l’idée d’un partage des missions militaires – aux États-Unis la responsabilité de l’Irak, à la Russie celle de la Syrie – un temps évoquée à Moscou, paraît condamnée.
Paris en est désormais réduit à chercher des «modalités de coordination» avec la Russie. Les chefs d’état-major russe et français se sont téléphoné. L’armée française reprend à son compte le terme de «déconfliction», concept militaire déjà évoqué par le Pentagone et qui vise à éviter les incidents aériens comme le crash du chasseur russe Sukhoï-24 provoqué par un tir de missile turc.
Cette coopération a minima pourrait être compliquée par la décision russe de déployer à Lattaquié – le fief de Bachar el-Assad – des systèmes S 400 de défense antiaérienne, dotés d’une fonction antimissiles. Une initiative prise au lendemain de l’incident russo-turc. Le déploiement de ces engins mobiles pourrait sérieusement compliquer le déploiement en Syrie d’avions de la coalition internationale.
Les avions allemands à la rescousse
Angela Merkel avait promis à François Hollande, mercredi soir, de «réagir vite» pour que l’Allemagne soutienne militairement la France dans sa guerre contre Daech. Jeudi, son gouvernement a donc fait savoir que la Bundeswehr allait s’engager au-delà des missions de formations qu’elle assure déjà en Syrie et en Irak. Un vote du Parlement étant nécessaire pour donner un mandat aux forces allemandes, la chancelière s’est entretenue dans l’après-midi avec les députés de la coalition CDU/CSU-SPD. Concrètement, l’Allemagne veut contribuer aux missions de reconnaissance aériennes et satellitaires. Quatre ou six avions RECCE-Tornado pourraient être envoyés. Une frégate sera aussi déployée en mer pour assurer la protection du porte-avions Charles-de-Gaulle. L’armée allemande compte enfin mettre un avion ravitailleur à disposition des Mirage français. L’Allemagne se contente d’un soutien technique dans le conflit. Mais, pour ce pays réticent à toute idée de «guerre», il s’agit d’un premier pas important.
http://nor-haratch.com/2015/11/france-russie-une-cooperation-a-defaut-dune-coalition/