
06 janvier 2016
TURQUIE. Ouverture du procès par contumace de l’imam Fethullah Gülen aux relents de Maccarthysme à la turque . Accusé de « haute trahison », cet ancien allié de Recep Tayyip Erdogan, est devenu depuis quelques années l’ennemi numéro un du président turc qui l’accuse d’avoir mis en place un « Etat parallèle » destiné à renverser son pouvoir. Et surtout d’avoir révélé un scandale de corruption qui a entaché son entourage. Fethullah Gülen est également le chef d’une confrérie religieuse très puissante au centre de tout un réseau et de relais médiatiques, désormais dans le viseur de la justice.
Fethullah Gülen ne se présentera pas devant les juges. L’imam, âgé de 74 ans, est à l’abri depuis plus de 15 ans dans une propriété aux Etats-Unis. Il nie les accusations de la justice turque et dénonce une « chasse aux sorcières » qui ne serait, selon lui, qu’une preuve de plus de la dérive autoritaire du président Recep Tayyip Erdogan. Il sera jugé par contumace.
Chasse aux sorcières
L’avocat de Fetullah Gülen dénonce un dossier vide : « Il n’y a aucune preuve de la constitution d’une quelconque organisation terroriste », déclare-t-il, en soulignant que les charges ne s’appuient que sur des présomptions et sur de simples déclarations.
Un journaliste, proche de Gülen et qui préfère ne pas dévoiler son nom, parle d’une chasse aux sorcières : « Ce qui a commencé est pire encore que le Maccarthysme. Si nous sommes une organisation terroriste, où sont nos tanks ? Où sont nos pistolets ? De quel type d’organisation terroriste s’agit-il ? Et pourtant, chaque matin, je me lève en me demandant qui sera aujourd’hui placé en détention », s’indigne-t-il.
1 800 personnes arrêtées
Les 66 autres accusés dans ce procès sont, pour la plupart, des policiers. Ils sont poursuivis en tant que membres d’une organisation armée et risquent des peines allant de sept à plus de 300 ans de réclusion. En tout, 1 800 personnes soupçonnées de faire partie du « réseau » de Fethullah Gülen ont été interpellées depuis 2014 et près de 300 d’entre elles attendent leur procès en prison.
Des écoles fermées, des sympathisants arrêtés, des médias proches de la confrérie qui sont menacés, c’est toute la nébuleuse qui gravite autour de l’imam Gülen qui est sous pression. Et c’est une partie non négligeable de l’élite intellectuelle et conservatrice, qui est ciblée.
Avec le procès qui s’ouvre aujourd’hui le président Recep Tayyip Erdogan a promis d’en finir avec les « leaders de cette bande ». Fethullah Gülen encourt jusqu’à 330 années de prison. Et le gouvernement turc ne compte pas s’arrêter là, il veut aussi obtenir l’extradition de Fetullah Gülen des Etats-Unis. Jusqu’à présent, il a échoué, mais il vient de porter plainte contre lui devant la justice américaine.
Le procès qui démarre ce mercredi sera certainement très long, l’accusation a présenté un dossier de près de 1 500 pages.
Dans ce bras de fer qui oppose Erdogan et son ancien allié qui contribua à son accession au pouvoir, le chef de l’Etat a largement fait savoir que le réseau Gülen est devenue beaucoup trop influente dans l’Etat, risquant un jour ou l’autre de menacer son propre gouvernement. Mais sur fond de rivalité politique interne aux islamo-conservateurs, c’est également la liberté de la presse qui risque de sortir un peu plus affaiblie.
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