Pourquoi Aliyev, Erdogan et Poutine se rangent-ils du côté du Premier ministre arménien?
PAR HARUT SASSOUNIAN, ÉDITEUR, THE CALIFORNIA COURIER · 8 MARS 2021
Alors que la situation en Arménie devient de plus en plus chaotique de jour en jour, les accusations sans fondement deviennent une pratique courante. Il n’est plus possible de distinguer le fait de la fiction.
Malheureusement, des mots comme «traître» et «acheté par des Turcs ou des Azéris» sont utilisés par les Arméniens pour accuser leurs compatriotes arméniens sans la moindre preuve. Nous avons tous entendu à plusieurs reprises que les territoires autour de l’Artsakh avaient été abandonnés par les anciens présidents bien avant la guerre et que les traîtres arméniens aidaient l’ennemi en révélant nos secrets militaires ou en exhortant les soldats à cesser de se battre pendant la guerre. Ces accusations ont été répétées si souvent que beaucoup d’Arméniens les croient vraies. Qu’importe qu’aucune preuve n’ait été présentée, ternissant la réputation de ceux avec qui ils ne sont pas d’accord. S’il y avait tant de traîtres pendant la guerre, comment se fait-il qu’aucun de ces traîtres n’ait été arrêté et condamné pour trahison? Normalement, les traîtres pendant une guerre sont immédiatement arrêtés, condamnés et abattus par un peloton d’exécution.
Je ne crois pas qu’il y ait parmi nous des traîtres ni des Arméniens qui ont vendu leur âme à l’ennemi pour une poignée de dollars. Ce sont des histoires inventées simplement parce que nous sommes en désaccord les uns avec les autres. Malheureusement, la plupart des Arméniens ne savent pas comment mener une conversation civilisée sans insulter ceux avec qui ils ne sont pas d’accord.
Dans cette analyse, j’éviterai d’utiliser des termes tels que traître et sold out, et m’en tenir autant que possible aux faits, aussi difficiles à discerner qu’ils soient.
Un problème qui revient sans cesse est le fait que les présidents de l’Azerbaïdjan, de la Turquie et de la Russie semblent préférer le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan à l’opposition. Cela ne signifie pas que Pashinyan est un traître ou travaille pour les intérêts des ennemis de l’Arménie. Je pense que l’Azerbaïdjan, la Turquie et la Russie se rangent du côté de Pashinyan pour deux raisons principales:
1) Tous les trois se rendent compte que Pashinyan, vaincu dans la guerre d’Artsakh et ayant signé un document de capitulation, n’est pas en mesure d’aller à l’encontre des souhaits de l’Azerbaïdjan et de la Turquie, et en particulier de la Russie. Alors qu’en tant qu’ancien membre de l’opposition, Pashinyan était totalement anti-russe, il a changé d’avis et a soutenu toutes les initiatives russes avant même la guerre. Après la guerre, il est totalement redevable à Poutine et n’ose pas s’écarter du tout des directives du président russe. Cela est devenu encore plus vrai après Pres. Poutine a félicité à plusieurs reprises Pashinyan pour avoir signé l’accord trilatéral du 10 novembre 2020 et en avoir respecté les termes. L’Azerbaïdjan et la Turquie sont également satisfaits qu’après leur défaite de l’Arménie, il y ait un dirigeant comme Pashinyan qui adhère pleinement aux termes de l’accord.
2) L’Azerbaïdjan, la Turquie et la Russie se rendent compte également qu’en cas de renversement du régime de Pashinyan, son successeur pourrait ne pas être aussi disposé à se conformer aux termes de l’accord trilatéral. Alors qu’un pays vaincu n’est pas en mesure de contester ces conditions imposées, le fait que les opposants de Pashinyan expriment leur opposition à cet accord signifie que l’Azerbaïdjan, la Turquie et la Russie devront peut-être traiter avec un nouveau dirigeant arménien qui remettra en question les termes de l’accord. que les trois pays considèrent un fait accompli. Ainsi, Aliyev, Erdogan et Poutine préfèrent naturellement traiter avec Pashinyan en fonction de leurs propres intérêts plutôt que parce que Pashinyan est leur «agent». Au mieux, nous pouvons dire que Pashinyan accompagne à contrecœur ces trois dirigeants. Au pire, il croit sincèrement que l’accord de cessez-le-feu est dans le meilleur intérêt de l’Arménie, ouvrant la voie à la levée des voies de transport bloquées, stimulant ainsi potentiellement l’économie de l’Arménie.
Nous pouvons être de différents côtés de l’analyse ci-dessus, mais une chose est très claire. Pashinyan ne doit franchir aucune ligne rouge qui soit totalement contraire aux intérêts nationaux de l’Arménie. C’est une chose d’être obligé d’accompagner vos ennemis après votre défaite, mais c’est une tout autre chose de se conformer avec enthousiasme à leurs souhaits, en croyant à tort que les actions imposées par l’ennemi sont dans l’intérêt de l’Arménie. Aliyev et Erdogan ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils étaient disposés à autoriser l’Arménie à utiliser ses voies de transport sous certaines conditions, à savoir: 1) renvoyer les territoires de l’Artsakh en Azerbaïdjan (ce qui a été principalement accompli par le recours à la force), 2) reconnaître les frontières existantes de la République de Turquie (plus de demandes territoriales de la Turquie), et 3) Interrompre la poursuite internationale de la reconnaissance du génocide arménien. Plus récemment, Aliyev a ajouté une nouvelle demande: signer un traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ce qui signifie que l’Arménie renoncera à revendiquer l’Artsakh comme territoire arménien.
À mon avis, ces demandes azéries et turques devraient être rejetées par les dirigeants actuels de l’Arménie. Ce sont des lignes rouges qu’aucun gouvernement arménien ne devrait franchir, privant les futures générations arméniennes de leur droit de poursuivre les justes revendications de la nation.
Il reste à voir si les prochains dirigeants arméniens seront en mesure de trouver un moyen de minimiser les pertes dues à la guerre. Mais une chose est sûre: Pashinyan doit démissionner immédiatement pour permettre à une nouvelle direction plus compétente d’essayer de gérer la situation catastrophique dans laquelle se trouve l’Arménie.
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Traduction en français – LOUSAVOR AVEDIS:
