La débâcle de la conscience universelle – La débâcle de la conscience universelle – Par Dr Vartkès ARZOUMANIAN
Par Dr Vartkès ARZOUMANIAN, le 26 septembre 2022 – lorientlejour:
La nuit du 12 de ce mois de septembre 2022, la population civile de cinq régions de l’est de l’Arménie a été réveillée par un bombardement aveugle barbare et meurtrier à cause d’une attaque-surprise de l’armée de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie. Il est à noter que cette fois c’est l’Arménie qui est agressée et non pas l’enclave du Haut-Karabakh, une région contestée.
Les rapports de l’ONU du 15 septembre ont confirmé que ce sont les forces de l’Azerbaïdjan qui ont attaqué en premier sans aucune provocation, et avec pour motif d’envahir autant que possible des terres arméniennes, car pour les Azéris l’Arménie n’existe pas, comme le proclament leurs dirigeants. Ironique mais en même temps lamentable, venant d’un pays dont l’un des ministres a confirmé le 15 de ce même mois, durant un entretien dans les médias, que son pays est en effet plus jeune que le Coca-Cola.
Apparemment et effectivement, nous vivons dans un monde où, comme le dit l’expression, « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Et cette fois l’union méphistophélique Turquie-Russie-Azerbaïdjan-Israël les rend les plus forts. Une alliance basée sur les intérêts communs. D’autre part on sait aussi qu’en politique il n’y a pas d’amis permanents, il n’y a que des intérêts. Et, hélas, cela explique l’attitude de la Russie, la prétendue « amie » de l’Arménie. Selon certains experts géopolitiques, la faiblesse perceptible de la Russie dans sa guerre inouïe en Ukraine l’oblige à mendier une amitié protectrice imminente avec la Turquie toute-puissante, et membre de l’OTAN. Cette dernière, avec son affinité ombilicale avec l’Azerbaïdjan, trouve le moment opportun de réaliser le grand rêve idéologique de « panturquisme » qui consiste à nouer avec les pays de l’Est en créant cet empire des pays turcophones s’étalant jusqu’aux steppes de la Mongolie.
L’Azerbaïdjan, avec sa richesse en gaz et en pétrole, impose et ordonne à l’Union européenne ses désirs expansionnistes. Le très fameux accord du 18 juillet dernier entre Bakou et l’Union européenne consiste à fournir 20 milliards de mètres cubes de gaz azerbaïdjanais à l’Union européenne jusqu’à 2027.
L’Europe s’incline, s’agenouille, je dirais même plus, se couche devant Bakou à cause de la finition des sources de gaz en provenance de la Russie.
Pour Israël, c’est un cadeau providentiel, car la conquête du sud de l’Arménie par l’Azerbaïdjan, son nouvelle allié militaire, permettra à Israël d’avoir des bases militaires au nord de l’Iran, son ennemi juré. Un sujet qui n’est plus secret, car cela se discute déjà publiquement sur les plateformes médiatiques israéliennes.
La Chine s’est muée devant les désirs expansionnistes de la Turquie, car Erdogan a promis de cesser et de geler ses discours protégeant les Ouïghours, cette minorité d’origine ethnique turque en danger d’extermination dans le nord-est de la Chine.
Pauvre Arménie qui se voit déjà comme une proie devant ces envahisseurs… comme si l’histoire se répétait. Vers qui se tourner, à qui s’adresser ? Apparemment, pour certains dirigeants, le sang de l’Arménien pèse moins lourd que le gaz ou bien le pétrole azerbaïdjanais. Quelle honte, où en sommes-nous avec la conscience universelle humaine ? J’ajouterais une citation appropriée d’un auteur anonyme : « À quoi bon faire avancer le monde si l’humanité recule ? »
Quelle est la faute de l’Arménie ? Subirait-elle la malédiction d’être le premier pays chrétien de l’histoire, ou bien d’être la terre de l’arche de Noé, le berceau des civilisations ? Un pays de trois millénaires, qui a illuminé le monde par sa culture, rayonnant d’humanisme, avec son message de paix et de tolérance. Contrairement à l’Azerbaïdjan, englouti dans l’obscurantisme, pays sans passé ni culture, créé par Staline après la Première Guerre mondiale.
Et qui va protéger l’Arménie devant ces plans si funestes ? L’Arménie qui n’a toujours pas pu se remettre du génocide perpétré par l’Empire ottoman en 1915, et puis de la dernière guerre en novembre 2020 imposée par l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh (territoire historiquement arménien) ? L’Arménie, depuis, saigne.
Le monde est muet devant cette catastrophe humanitaire. Certains susurrent que les Arméniens doivent être aussi protégés que les Ukrainiens… mais ce ne sont que des paroles, et des paroles, on n’en veut pas. C’est la conscience humaine qui doit engendrer une action vive, unifiée, mondiale condamnant l’Azerbaïdjan et son « maître » la Turquie, en protégeant l’Arménie et en la plaçant sous l’égide des forces des Nations unies. C’est la seule façon d’éviter un deuxième génocide.
Que dire alors du parlementaire turc Mustafa Destici qui a déclaré ce 18 septembre depuis le Parlement turc que les Arméniens doivent se souvenir que la Turquie a le pouvoir d’effacer l’Arménie des pages de l’histoire et de la géographie, et continuer très prochainement le génocide inachevé, et que ces jours-ci ne sont pas lointains ?
Que le monde se réveille et réalise les intentions diaboliques, pour ne pas dire plus, du gouvernement turc, un pays avec du sang sur ses mains et qui désire toujours s’intégrer à l’Union européenne.
Je termine mes lignes par les phrases de la vaillante et héroïque Aurore Bruna, présidente de la commission de la sécurité-défense à la région sud et coprésidente du CCAF Sud : « Nous demandons à ce que les sanctions prises contre la Russie soient les mêmes pour l’Azerbaïdjan. La vie d’un Arménien vaut la vie d’un Ukrainien. »
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