Meeting avec Araïk Haroutounian : un succès total
Le meeting avec le président de la République de l’Artsakh était le grand rendez-vous de la semaine et les Français d’origine arménienne ne s’y sont pas trompés : il a fait salle comble. Au point que certains ont même dû rester debout faute de fauteuils encore disponibles dans cette grande et belle salle de la Maison de la chimie. Il est vrai que dans la situation actuelle nombre de questions se posent auxquelles Araïk Haroutounian a répondu tout au long de cette soirée organisée par le CCAF dont, par ailleurs, le rôle central pour représenter les intérêts de la nation arménienne auprès des autorités françaises a été plusieurs fois souligné. L’union fait la force.
C’est à 19 h 40 que la délégation, chaleureusement applaudie, est arrivée. Elle venait d’un rendez-vous avec la Maire de Paris qui a redit au cinquième président élu son soutien total à la cause de l’Artsakh. En guise d’introduction très concrète à la problématique de la soirée, un documentaire présentant le retour des réfugiés en Artsakh et les actions du gouvernement pour le faciliter a été présenté. Le message est clair : alors que l’on s’attend à une reprise de la guerre, la vie reprend. Malgré tout. Il faut soutenir « nos frères et soeurs d’Artsakh. »
« L’Artsakh n’est pas seul, il suffit de regarder cette salle », a lancé l’une des organisatrice de ce meeting invitant les personnes présentes à faire une minute de silence pour tous les soldats tombés. Parmi les personnalités présentes, on pouvait apercevoir Hasmik Tolmajian, François Xavier Bellamy, Sarah Tanzili, Valérie Boyer, Hovannes Guevorkian, René Rouquet, Isabelle Santiago, Emmanuel Mandon, Père Krikor RIKOR, le pasteur Joël Mickaélian, Ara Aharonian François Pupponi ou Bedros Terzian, Sophie Devedjian.
Puis, Ara Toranian, co-président du CCAF, a pris la parole.
« (…) Mes chers amis, ces quelques mots d’introduction seront très brefs, car nous sommes venus ici pour entendre le représentant de l’Artsakh qui est au cœur de nos préoccupations depuis plus de 30 ans, et plus particulièrement encore depuis ces dernières années, notamment depuis l’agression militaire lancée par l’Azerbaïdjan et la Turquie le 26 septembre 2020. Comme vous le savez chers amis, l’heure est exceptionnellement grave, puisque les forces du panturquisme mettent actuellement tout en œuvre pour occuper et asservir ce territoire libéré de leur joug depuis 30 ans. Nous savons hélas tous ce que ces visées pourraient signifier pour la population arménienne locale compte tenu des enseignements de l’histoire et de la haine raciale inouïe qui est entretenue en Azerbaïdjan contre ce peuple. Mais nous savons également ce que ce plan pourrait signifier pour la nation arménienne dans son ensemble. Ce serait non seulement la fin de l’Arstaskh, la fin de la présence arménienne dans le berceau historique de l’Arménie. Mais une telle invasion sonnerait aussi le glas de l’Arménie, puisque Aliev ne cache pas ses ambitions sur le Siounik et même Erevan. Ainsi 100 ans après le génocide de 1915, le peuple arménien se trouve à nouveau confronté à une lourde menace sur son existence. Et nous savons qu’au-delà du sort de la région, c’est aussi le destin de l’Europe qui risque d’être affecté par la formation de ce monstre panturc sur son flanc oriental, qui voudrait se créer sur le cadavre du peuple arménien.
Après lui à qui le tour alors que les Kurdes sont butte aux bombardements de l’armée turque, que Chypre continue à être occupé, que la Grèce est menacée, que des Etat démocratiques comme la Suède se couche lamentablement devant Erdogan, tandis que celui-ci fait de l’entrisme dans toute les pays de l’Union Européenne en essaimant des filiales de l’AKP, qui seront autant de bombes à retardement au cœur de notre vieux continent. Nous n’avons en effet pas seulement affaire au Karabakh à un risque de nouveau génocide arménien, mais parallèlement au grand retour de l’Empire ottoman, dont l’ambition ne se limite pas au Caucase, mais va jusqu’à l’Asie, et aussi ne nous y trompons pas à l’Afrique et l’Europe.
Nous avons ce soir de nombreuses questions à poser au président du Haut-Karabakh, sur l’actualité de cette menace, sur sa vision de l’avenir en ce qui concerne la présence russe, sur ce qu’il attend de l’Europe, de la France, sur ce que nous pouvons faire pour déjouer ce destin. Une chose est sûre, monsieur le président, nous sommes ici en France à 100% au côté de l’Artsakh et de l’Arménie. Les élus français sont à l’unanimité avec vous comme l’ensemble des Français d’origine arménienne. Nous avons réalisé à travers le CCAF une union de toutes les forces de cette communauté pour aider l’Arménie et le Karabakh. Nous sommes unis sur cette base, quelles que soient nos préférences partisanes. Et nous continuerons d’agir pour que la France, dont nous sommes partie prenante, prennent conscience qu’en défendant la cause de l’Arménie et du Haut karabakh, elle défend non seulement une nation soeur, non seulement un îlot de démocratie au milieu d’une mer démontée de totalitarisme et de fanatisme, mais aussi ce faisant le futur de nos libertés. En tant que descendants des victimes du génocide, en tant que militants de longue date contre le négationnisme, en tant que témoins et parfois cibles des turpitudes de l’Etat turc, y compris sur le territoire français, vous avez avec vous ici en France une masse organisée de Français d’origine arménienne qui sont vos frères. Ils vous soutiennent et ils mettront tout en œuvre pour que la République du Haut-Karabakh ne soit pas un nouveau territoire perdu de l’Arménité, une nouvelle terre historiquement arménienne destinée à tomber dans l’escarcelle de la Turquie. Même si nous ne renoncerons jamais aux réparations, nous ne sommes naturellement pas ici pour revendiquer quoi que ce soit. Nous n’avons nullement l’ambition de convertir qui que ce soit non plus à notre religion ou à notre modèle politique. Nous sommes ici pour protéger ce qui a survécu et pour défendre la liberté, la dignité humaine, et les droits de l’homme. Nous savons que la situation est désespérée, nous savons que vous ne pouvez vous battre à un contre trente puisque tel est le rapport entre le Arménie, d’un côté, et la Turquie et l’Azerbaïdjan de l’autre, en étant de surcroît désarmé. Mais nous savons aussi que dans les pires moments, la Nation arménienne sait trouver les ressources pour se défendre. Nous sommes ici avec vous pour dire non au destin funeste que l’on nous promet et pour créer les conditions de ce miracle. »
Mourad Papazian, co-président du CCAF également, a enchaîné en arménien. Il a rappelé la nécessité de soutenir le Haut-Karabagh non seulement au nom du « sang versé » par les soldats pour « sauver l’Artsakh », « non seulement car il s’agit d’une cause juste, non seulement parce que l’Artsakh est à nous, mais nous vous soutenons aussi parce que si l’Artsakh tombe, l’Arménie tombera. L’Artsakh est le bouclier de l’Arménie. » C’est aussi une lutte pour la défense et la sécurité de l’Arménie. « Nous savons très bien que ni la Turquie, ni l’Azerbaïdjan ne veulent la paix, ils rêvent d’instaurer leur pouvoir sur les Arméniens. (…) Les forces panturques veulent achever le génocide de 1915. Toutes les associations du CCAF, tous les Arméniens de France sont debout pour se faire entendre auprès de la classe politique, des élus et même du président de la République Emmanuel Macron. Nous avons accompli notre travail et nous allons continuer à le faire car la défense de l’Artsakh et de l’Arménie est notre priorité et celle de la diaspora. »
C’est ensuite au tour d’Araïk Haroutiounian de s’exprimer. Il commence par nous « remercier au nom de l’Artsakh de soutenir notre combat depuis 1988. Lorsque nous avons commencé, l’URSS à l’époque a essayé de nous arrêter sur le chemin de l’indépendance (…) Nous avons poursuivi notre lutte. Grâce au soutien du peuple d’Artsakh, de l’Arménie et de la diaspora, nous sommes parvenus à une première victoire contre l’Azerbaïdjan. Nous avons accepté le cessez-le-feu et obtenu d’autres réussites. Nous avons ensuite essayé de nous conformer aux valeurs du monde civilisés car elles correspondent à nos valeurs. » Mais la communauté internationale n’est pas pour autant intervenue en faveur du Haut-Karabagh. « Nous voulons juste vivre sur ce territoire où notre peuple vit depuis des siècles, mais nous nous retrouvons face à un problème existentiel. Aujourd’hui, le monde ne se reconnaît plus dans des valeurs, il défend l’argent et les intérêts économiques.
De 1994 à 2016, l’Azerbaïdjan a utilisé la manne pétrolières et gazières pour renforcer son armée. Mais il n’a pas réussi à vaincre grâce à sa force militaire. En juillet 2020, une opération a eu lieu et Bakou a tenté de provoquer une nouvelle guerre. Mais il n’a pas réussi car il était seul à se battre. C’est avec les armes et le soutien de la Turquie qu’il l’a emporté. Ce n’est pas l’Azerbaïdjan qui a attaqué l’Artsakh, mais une coalition turco-azérie avec le soutien de djihadistes. En raison de notre encerclement et de notre isolement nous n’avons pu recevoir aucun soutien. L’Azerbaïdjan était ravitaillé tous les jours en armes, en technologies de pointe et, le plus important, en ressources humaines. Mais grâce à notre armée, nous sommes parvenus à stopper les assauts turco-azéris. Ce conflit a fait de très nombreuses victimes. Il était impossible de continuer le combat.
Aujourd’hui, la sécurité de l’Artsakh est assurée par la force d’interposition russe ce qui va à l’encontre de la volonté de Bakou de vider ce territoire de ses Arméniens. Malgré les pertes et son encerclement, l’Artsakh veut continuer son combat pour pouvoir vivre sur ses terres. Nous reconstruisons, nous avons des naissances, les jardins d’enfants et les écoles sont ouverts, l’administration fonctionne. Nous avons tout ce qu’il faut pour vivre là. Mais depuis la guerre en Ukraine, l’Azerbaïdjan reprend ses agressions quotidiennes. Nous sommes face à un danger de génocide. C’est le même processus qu’en 1915.
Je suis venu en Europe pour faire entendre la voix de l’Artsakh car nous avons le soutien des autorités françaises et de la communauté arménienne qui est très active. Nous voulons obtenir de l’aide de la France pour qu’elle fasse entendre notre voix au niveau européen. »
Hilda Kechichian pour Nouvelles d’Arménie Magazine et Mariette Gharapétian de AYP FM ont, dans un second temps, posé des questions au président. Tous les champs politiques, économiques et sociaux ont été balayés. Il en ressort que l’un des défis que le Haut-Karabagh doit aujourd’hui relever est celui de la pénurie de logements avec des Artsakhiotes qui voudraient rentrer mais ne le peuvent faute de pouvoir se loger. Araïk Haroutiounian demande également que le gouvernement français s’appuie sur les résolutions votées par le Sénat et l’Assemblée nationale pour prendre « des mesures concrètes. » Et que l’exemple français soit suivi par d’autres Parlements européens : « Il faut mobiliser le monde démocratique. Je sais que beaucoup de pays dépendent de Bakou en matière énergétique mais si nous ne faisons rien, nous aurons un nouveau génocide. » Concernant les forces d’interpositions russes, il préconise une augmentation des forces de la paix, un contingent international avec un mandat de l’ONU et un prolongement de leur présence au-delà de 2025. Cette force étant l’unique garant de la sécurité des populations. « Faire une guerre à l’Azerbaïdjan équivaut à faire la guerre à la Turquie », rappelle-t-il. Quant à la stratégie, elle est simple : « gagner du temps pour ne pas perdre ce qu’il nous reste. » Car une chose est certaine, dit-il, « nous ne serons jamais des citoyens de l’Azerbaïdjan. Cela fait 300 ans que nous luttons et nous allons continuer. Nous devons pouvoir vivre sur place et obtenir des garanties pour notre sécurité. La diaspora ne doit pas désespérer et penser que c’est un combat sans issu. Il vous faut, ici en France, poursuivre le combat sur la scène politique, à l’Assemblée nationale, au sénat et faire pression sur le gouvernement français afin que les résolutions se transforment en actes. Votre présence est déjà un premier soutien. »
Un troisième temps, celui des questions de la salle, a rythmé cette soirée. Toutes n’ont pu être posées faute de temps. Mais le message essentiel est passé : l’Artsakh a besoin de chacun de nous.
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